Maria Callas

Publié le par Lou

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Voici quinze jours que j'ai prévu un article sur Maria Callas. Il est je pense très difficile de parler d'une cantatrice de manière objective car les émotions qu'elle provoque touchent à ce qu'il y a d'intime et d'indicible en chacun de nous. Tout le monde s'accorde à dire qu'elle est la voix du siècle, mais quant à savoir ce qui fait qu'elle est unique et à comprendre ses particularités par rapport aux autres, cela relève de la sensibilité de chacun. Et je ne me bornerai pas à dire que c'est son timbre de voix unique qui fait tout.
Accordez-vous le temps de cette lecture avec ma subjectivité !


Callas-copie-1.jpg Cette soprano d'origine grecque née en 1923 à New York et disparue il y a trente ans a apporté un renouveau dans l'opéra du XXème siècle en s'illustrant dans Verdi, Rossini, Ponchielli, Cherubini, Bellini, Spontini, Donizetti, Puccini, Giordano, Bizet et même Wagner. Partout où elle a touché, elle semble avoir laissé une trace inoubliable, malgré une Butterfly trop mûre ou une Isolde trop humaine quand on la souhaiterait plus mystique... Comment peut-on être tout à la fois Brünnhilde et Norma, Butterfly et Carmen sans représenter l'une mieux que l'autre ? Ce que je veux dire, c'est que Callas n'était jamais insipide, jamais fade dans ses rôles, malgré les imperfections qu'on lui a reprochées.

Tosca

                                                                                              Norma
Norma.jpgDans l'art, Maria Callas avait tout, la beauté, la voix, le talent de plaire, le génie de convaincre, par une extraordinaire théâtralité. Un rôle d'opéra, c'est celui d'un personnage de théâtre avec une gestuelle, un costume, mais c'est surtout une voix avec une tessiture particulière, un timbre dramatique, lyrique ou colorature. On peut dire beaucoup sur la Callas car sa voix, son tempérament de feu, sa force, son regard léonin font d'elle non pas seulement une cantatrice, mais une personnalité artistique inégalée. Inégalée parce qu'elle a réussi à incarner parfaitement les héroïnes qu'elle chantait. Ou plutôt, ce sont les héroïnes qui se sont le mieux exprimées à travers elle.
En effet, les rôles de Lucia, Tosca, Norma, Violetta et j'en passe, sont autant de partitions de musique permettant à une voix de s'exercer, de progresser, de plaire, d'être appaudie, d'être reconnue, admirée, encensée par la critique, mythifiée par la presse. Mais Maria Callas, qui est certes une figure médiatique, a fait bien plus que cela. Elle a donné un corps et une âme à ses héroïnes, autrement dit une représentation idéale. Elle leur a prêté la personnalité physique et vocale qui est la sienne. Le corps jadis grossier de Callas s'est sculpté, s'est métamorphosé pour être à la hauteur de la voix extraordinaire. Cette harmonie conquise beaucoup plus pour l'art que pour elle-même est un magnifique don de soi. Callas ne s'est pas servie de ses héroïnes d'opéra pour célébrer le miracle de sa voix, non, elle s'est éclipsée derrière elles, elle les a servies comme aucune autre. Et c'est sans doute ce qui l'a rendue durable. Callas est le modèle. Elle est l'exemple parfait. Elle a fait bien plus qu'interpréter, elle a sublimé, exalté, incarné parfaitement les rôles en leur offrant sa voix et sa personne.
Le meilleur exemple est sans doute celui de La Traviata. Callas n'interprète pas Violetta, elle ne la chante pas, elle est Violetta ; ainsi elle rend le plus bel hommage à l'opéra. On a reproché à Callas de ne pas assez donner de sa voix dans La Traviata ; elle ne faisait pourtant que rendre une réalité certes difficilement compatible avec l'opéra mais néanmoins très justifiée : Callas-Violetta est mourante, sa voix est rauque, la tuberculose l'étouffe, c'est une femme fragilisée, malade ; c'est pourquoi on l'entend à peine. Non la Callas n'est pas finie, c'est Violetta qui est finie ; Callas se donne à Violetta et elle est au sommet de son art lorsqu'elle le fait avec toute la retenue qu'il faut.


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   La Traviata













J'aimerais dire que l'art de Maria Callas, c'est d'être vraie avant tout. Le théâtre musical transcende un peu la réalité et nous la fait voir en caricature, à travers des exemples. L'investissement de Callas dans son art était tel que le théâtre même se mettait parfois à ressembler à sa propre réalité :

"Vissi d'arte, vissi d'amore
non feci mai male ad anima viva !" (Tosca)


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      A gauche : Maria Callas à 28 ans



      A droite : Maria Callas à 35 ans















La Callas telle que vous la voyez à gauche n'aurait pas été convaincante si elle avait interprété une Mimi tuberculeuse dans La Bohème, et je pense qu'elle n'aurait pas supporté de devoir faire consentir le spectateur à l'accepter en tant que telle, par un pacte de vraisemblance.
Callas était une artiste exceptionnelle, idéale et une cantatrice à la hauteur de ses merveilleuses aspirations.

Publié dans Musique

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