Petit journal de Florence

Publié le par Lou

    Lorsque je pars, j'emporte avec moi un petit carnet et j'écris. Voici le journal que j'ai tenu durant un périple d'une semaine à Florence. Bonne lecture !


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Mardi 8 août 2006

    Premières impressions de Florence : à la hauteur de ce que j'attendais. En premier la visite de Sante Croce ; nous habitons jusqu'à côté, à deux pas. Puis la place de la Seigneurerie, je me souvenais bien de cette place et des bâtiments de la Galerie des Offices. C'était dans l'après-midi. J'avais un besoin impérieux de m'acheminer vers le plus beau, vers mon proche syndrome de Stendhal que j'allais attraper devant Santa Fiore [photo]. En effet, (les mots sont bien didactiques pour décrire de semblables impressions) la cathédrale, cachée jusqu'au dernier moment par les bâtiments de la rue, m'est apparue tout d'un coup, à la pleine lumière, imposante et généreuse, presqu'au-delà de ce que mes yeux pouvaient percevoir. Je ne peux employer qu'un mot, âme, pour dire où j'ai été touchée. Je sentais quelques larmes monter derrière mes lunettes de soleil et j'ai pu en profiter intimement pendant quelques secondes, puisque je me suis mise à l'écart du groupe. Il était important pour moi de profiter de mon émotion personnelle sans être influencée (même en bien) par les autres. Je voulais voir en pureté en écoutant les résonnances venant du fond de ma sensibilité.
    C'est qu'en arrivant à la gare hier matin, j'avais le sourire aux lèvres parce que je me retrouvais dans un lieu spirituellement familier et que le besoin de m'y ressourcer allait s'y apaiser. Avant de retrouver enfin le Dôme, c'était bien une soif de l'âme, une soif de beau qui devenait tenace. L'Italie, c'est un souffle, une eau claire pour l'esprit. Je me sens avide.
    Ce matin, nous sommes montés dans la coupole du Dôme. La vue tout en haut est très belle [photo].

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Les fresques de la coupole, par Vasari, m'ont beaucoup plu. Certaines scènes, très "trash" comme je pensais, font vraiment frémir. Dans la coupole, on arrive un peu mieux à mesurer le prodige qu'est la cathédrale. Il existe donc quelque chose de bien grand et de bien surnaturel qui exalte la perfection dont sont capables les hommes. Nos yeux sont habitués à voir les chefs-d'oeuvre sans avoir la vision fine et pénétrante qui permet à l'esprit d'embrasser d'une manière objective l'inouï. L'inouï est si inconcevable dans son entier, pour ce qui est d'un tel monument, que sa présence majestueuse semble aller de soi ; il a l'air tout simplement d'avoir été créé et déposé sur la terre PAR Dieu lui-même et POUR Dieu. N'y a-t-il donc pas une communion entre ces deux parties du monde ? Quand je vois des monuments comme le Dôme, j'abandonne ma raison, je doute de mes convictions et il me semble que quelque chose me parle.

    Je tenais à écrire un peu pendant mon voyage à Florence car j'attendais ce moment comme une possibilité d'acquérir un supplément d'âme.
    Eglise San Lorenzo : Crucifixion de Francesco Conti (1681-1760), Vierge à position souffrante inhabituelle. Caractéristique de la peinture du XVIIIème siècle. Effondrée et visage douloureux.
    Académie Arts : Annonciation de Lorenzo Monaco. Vierge en noir, ange Gabriel rose et belles ailes multicolores. Ensemble magnifique au niveau des couleurs.


Mercredi 9 août

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    Musée Bargello :  la terre peinte donne immédiatement une réalité saisissante aux visages. Le buste Niccolà da Uzzano par Donatello (1386-1466) est plus vrai que nature [photo]. Regard rêveur, teint coloré, douceur mystique, yeux spirituels, une légère tristesse accentuée par les sourcils, un grain de beauté humain, trop humain. Le marbre s'utilise mieux pour les figures allégoriques. Là, on dirait presque un masque, c'est plus parlant qu'une photographie.
    Le musée du Bargello est en lui-même un lieu magnifique.
    Rez-de-chaussée : statue de Benvenuto Cellini (je crois), terrassant un vieil homme ; c'est une allégorie.
    Galerie des Offices.
    Le meilleur, Botticelli les tableaux ronds, les Vierges à l'enfant. Philippino Lippi aussi bien sûr. Quelques grands primitifs de Giotto et d'autres. La salle de la Tribune, ronde, comporte de beaux tableaux mal éclairés, notamment le Massacre des Innocents.


    Nous avons passé quatre heures à la Galerie des Offices aujourd'hui. Magnifiques galeries peintes.Ce qui m'a frappée le plus et m'a laissé une grande impression d'immensité, c'est la salle toute dorée avec une coupole.

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    La Ponte Vecchio [photo] : pittoresque, unique, grande ambiance avant un coucher de soleil qui s'annonçait magnifique. J'ai apprivoisé Florence. Je m'y sens bien. Température idéale.
    Dans la Galerie des Offices, j'ai oublié tous mes repères spatio-temporels. Ces moments-là sont rares, mais ils prouvent un investissement absolu de l'esprit qui n'a plus conscience de la vie réelle et matérielle. C'est dans cette disposition qu'il faut voir les oeuvres. En sortant d'une salle et en me retrouvant dans la galerie, j'ai eu un instant d'absence complète, où je ne pouvais plus du tout me rappeler le moment de la journée, matin ou après-midi. Ces vertiges sont un détachement, lorsque l'esprit est totalement occupé.
    Florence est la ville dont David est l'idole et Michel-Ange l'emblème artistique. Rayonnement incroyable de la ville : même les Flamands sont présents, mais leur peinture est plus austère, les décors de leurs oeuvres plus froids, les couleurs plus sombres.


Sienne, le 10 août

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   Je suis sur la place du Campo [photo], il fait très chaud mais on est bien. Les rues de Sienne sont très folkloriques. J'aimerais rester deux mois consécutifs en Italie, puiser à cette source la différence qui fait vivre. En Italie je me sens apaisée car je bois ce qui m'est si familier et qui est habituellement si loin de moi. Je suis heureuse de renouer avec cette habitude de l'écriture, avec le réflexe de l'esprit qui a besoin en quelque sorte de donner de la consistance aux impressions qui le stimulent. Dans quel état faut-il être pour provoquer le besoin de s'épancher ? Je dirais qu'il y a d'abord un détachement par rapport à la réalité nécessaire.
    Au Duomo [photo] : il y a malheureusement  trop de bruit pour savourer cette merveille.

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Il faudrait mille yeux dans une même conscience et dix fois moins de paroles pour concevoir la grandeur et la beauté de ce monument. C'est sans conteste ce que j'ai vu de plus beau. Les petites chapelles sont très riches. Le Dôme de Sienne dépasse bien sûr celui de Florence. Goût du raffinement et de la prolifération sans jamais de surcharge. Toujours l'équilibre, la mesure dans le registre de l'abondance. Les Italiens agencent leurs richesses avec art, quand d'autres les entassent lourdement. Chaque chose est à sa place et le mélange des genres forme une unité stylisée. Il faudrait pouvoir monter dans les hauteurs pour voir le merveilleux pavement qui est en ce moment recouvert de moitié. Trop de bruit, mais c'est un vrai musée religieux dont il faut soi-même reconnaître les composants. Sur quoi reposer mes yeux pour adoucir cette vision du beau dont on ne peut se défaire qu'à la sortie ? L'oeil s'habitue à la beauté et je voudrais qu'à chaque pas mon oeil soit neuf. Comment créer une vision d'ensemble avec un champ de vision si limité ? Je voudrais tout embrasser pour que mon oeil vive pleinement la beauté.


Vendredi 11 août 2006

    Les journées passent dans un claquement de doigt. Ce matin, nous avons vu la chapelle Brancacci à l'église Santa Maria del Carmine avec les fresques magnifiques de Masaccio [photo].

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Dans l'après-midi, nous avons fait la chapelle des Médicis avec les merveilleux tombeaux, puis le palais Médicis. Malheureusement, il y avait beaucoup de travaux.



Samedi 12 août
 
    Aujourd'hui il a plu toute la journée et il a fait plus frais. Ca en devenait presque désagréable. Nous avons fait les boutiques sous la pluie. Après tout, la mode, les belles choses font partie de l'Italie aussi. C'est incontournable quand on craque facilement pour les grandes marques à prix raisonnables.
    Toute cette semaine, j'ai eu envie de m'imprégner le plus possible de la beauté de l'art de Florence. C'est pourquoi demain j'aimerais beaucoup visiter le palais Pitti et le musée San Marco. Je sais que je ne me lasserai jamais de voir ces splendeurs, que je les reverrai toujours avec sentiment. Cette ville m'est familière, j'aimerais y vivre, je m'y sentirais bien. Je pourrais vivre à Florence un été entier à l'université d'été pour apprendre l'italien !


Lundi 14 août

    Eglise de l'Annunziata. [2 photos]

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    Pour mes dernières heures à Florence, j'ai choisi cet endroit. Il y a une messe, mais cela rend l'instant complètement authentique. Il faut, dans ces cas-là, saisir l'impression que je me fonds dans l'atmosphère plutôt que d'imaginer que je la perturbe. Si je suis retournée dans cette église, c'est justement parce que le tourisme n'y domine pas. Le culte, à la manière italienne, semble rester l'essence de l'église actuelle. J'ai vu passer à côté de moi quelques nonnes et des italiennes avec des mantilles sur la tête, déplaçant une statue de la Vierge. C'était assez inattendu. Et là, voici qu'entre une dizaine de petites religieuses, pendant ces interminables prières à la Vierge Marie. Je savoure ce moment comme quelque chose d'unique !

    Gare Campo di Mare.
    A l'heure du retour, une impression douce-amère nous envahit : douceur du voyage, amertume du retour ! Avec le retour, c'est l'habitude des choses et des pensées qui revient. Je me sens très riche de tout ce que j'ai vu et surtout incroyablement ressourcée, apaisée, comme si le voyage était quelque chose de naturellement vital. On se disait qu'on était toujours heureux de voir les beautés que la nature avaient produites, mais que celles qu'avait créées l'homme étaient bien plus extraordinaires.

Publié dans Extraits de journal

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