La fabuleuse épopée de Colmar !

Publié le par Lou

poulet01.jpg     Aujourd'hui, j'ai une histoire drôle à vous raconter. 20 décembre 2003 - petit périple de deux jours en Alsace. Vous serez autorisé à vous moquer ou à exploser de rire ; je vous préviens, vous aurez à boire et à manger.

    Par une belle matinée d'hiver sur la plaine dijonnaise, je suis partie à huit heures du matin pour Colmar, charmante ville alsacienne où les marchés de Noël battent leur plein et nous plongent chaque année dans la magie d'une féérie sans nom.
    Vous qui connaissez Dijon, vous savez que pour aller en Alsace, il existe une autoroute depuis que les infrastructures ont fait leurs preuves et que nous avons abandonné les charettes à boeufs. A noter qu'au XIXème siècle, le progrès des voitures, communément appelées "diligences" dans la langue éduquée, supplanta rapidement les bucoliques charettes en produisant un record de 30 kilomètres par heure les jours de beau temps. Sachant qu'aujourd'hui, il faut 2h37 pour aller de Dijon à Colmar, c'est-à-dire parcourir une distance de 260 kilomètres, combien de temps faut-il en diligence pour effectuer le même trajet ? Bon, vous connaissez mes exploits en mathématiques, mais en gros, il vous faut la journée, surtout si vous comptez le temps à donner à manger aux chevaux et à boire au cocher, auquel vous n'oublierez pas de passer son litron.
    J'ai donc pris l'autoroute de l'est pour me rendre dans les terres alsaciennes, fraîche comme une rose d'automne échappée une dernière fois de son jardin avant les premières gelées. Mon compagnon et moi nous partagions les tâches du voyage : lui tenait le volant, moi la carte routière sur les genoux. Le conducteur de la petite voiture (qui n'était pas un modèle de rêve descendant des somptueuses diligences bourgeoises, mais plutôt celui descendant des charettes à boeufs, pardon pour le propriétaire de ce petit bijou !), aussi ravi que moi de faire une petite virée avant Noël et de passer la nuit dans un hôtel de terroir, ne se projetait ni dans le futur proche de notre voyage, ni dans le passé d'anciennes escapades, ni même dans le présent du trajet à bord de la voiture. Et pour cause, nous avons abordé un sujet de conversation intemporel, passionnant, excitant, comme deux amoureux qui se respectent et savent renouveler l'exaltation de leurs intérêts communs. L'heureuse élue de notre brillante conversation était la mythologie grecque. Avec elle, l'époque se figeait, le temps s'arrêtait, les heures suspendaient leur cours dans un joyeux retour aux origines de notre civilisation. Et pendant ce temps-là, la voiture roulait, roulait...
    A l'occasion d'une petite coupure sur le trajet, nous avons rencontré les témoins de Jéhova. Ceux-ci nous ont gentiment laissé un Réveillez-Vous qui, vous le comprendrez bientôt, nous parvenait fort à propos. Interrompus dans notre conversation mythologique par ces honnêtes gens, nous avons décidé d'ouvrir leur magazine et de nous en offrir une petite lecture, par simple curiosité. Nous continuions dans le registre des dieux. Et pendant ce temps-là, la voiture roulait, roulait...
    Sur l'autoroute de la Bresse, nous pouvons apercevoir une oeuvre d'art représentant un énorme poulet. Vous la connaissez, vous l'avez certainement déjà vue, elle se remarque, moi aussi je m'en souviens bien, surtout depuis que j'ai voulu aller à Colmar.
    Ce poulet au port altier, trônant magnifiquement au bord de la route, ne peut pas laisser indifférent. Pourtant, en ce jour incroyable où je partais m'enfoncer dans les terres alsaciennes, il ne m'a inspiré qu'un mot léger, inutile, irréfléchi :
"Tiens, je ne savais pas que c'était là les poulets de Bresse !"
    A noter que mon compagnon, qui tenait le volant depuis Dijon, n'a ni relevé, ni bronché, ni toussé, ni freiné, ni viré de bord et, sûrs de nous, poussés pas les dieux grecs et fortifiés par la lecture de Réveillez-Vous, nous avons salué ensemble les poulets de Bresse à 130 kilomètres heure sur la route déchaînée où les panneaux du sud se succédaient !
    Et soudain, la réalité nous a brutalement ramenés sur terre. Une pancarte indiquait, aussi grosse que les précédentes qui affichaient Mâcon en toutes lettres :
                                                    TURIN !!!
Alors que nous roulions droit vers l'Italie, nous n'avions pas songé que Bourg-en-Bresse nous rapprochait des Alpes et nous nous imaginions bientôt rencontrer un panneau indiquant Strasbourg. En effet, il ne nous semblait pas avoir entendu à la météo qu'on annonçait une migration des poulets de Bresse vers l'Alsace, susceptible de perturber la signalisation routière.
    Alors, nous nous sommes arrêtés et avons consulté la carte routière que je tenais sur les genoux. Que faire ? Comment rattraper la dérive ? Faisons demi-tour ! Non, nous sommes déjà trop bas, il vaut mieux passer par la Suisse !
    Imaginez-vous... Nous sommes partis de Dijon à huit heures du matin, et deux heures plus tard, nous étions suffisamment loin de notre itinéraire pour préférer passer par la Suisse plutôt que de faire demi-tour ! Nous avons donc visité les belles routes des montagnes suisses, longé le lac Léman par la nationale, passé Genève et Lausanne pour remonter tout doucement vers... Pontarlier ! Nous avons foutu Réveillez-Vous pas la fenêtre, dit "fuck" aux dieux grecs et nous avons tiré la gueule aux Suisses. A 14 heures, après six heures de route, nous arrivions à Pontarlier (cf Mappy : Dijon-Pontarlier 1h50).
    Ah ! Colmar ! la choucroute, les saucisses, les bretzels et le pain d'épice ! Eh bien non, nous avons trouvé une brasserie. Un petit vin chaud quand même pour nous réchauffer.
    Sachant qu'il faut autant de temps de Dijon que de Pontarlier pour aller à Colmar, je vous laisse deviner à quelle heure à peu près nous avons trouvé notre garçonnière... Eh bien à sept heures du soir, nous débarquions, exténués, dégoûtés, énervés, en terre alsacienne.
    Une soupe et au lit.
    En ouvrant le tiroir de la table de nuit, les dieux, que nous tenions pour responsables de notre dérive, nous narguaient encore : il y avait une Bible, au cas où nous n'arrivions pas à trouver le sommeil. Il y avait vraiment un truc avec Dieu, pendant ce voyage...

     Ah ! tenez, une dernière question : finalement, la charette à boeufs, où en est-elle ? Croyez-vous qu'elle serait arrivée avant nous ? 30 kilomètres heure par beau temps... Non, vraiment, ce jour-là, il faisait mauvais, les dieux nous en voulaient, il y avait trop d'électricité dans l'air et je dois dire qu'un bon poulet de Bresse, c'est quand même bien meilleur que le pain d'épices !


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Publié dans Régions

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D
Exceptionnel !<br /> Après avoir parcouru ton blog, je m'attendais à trouver un article dans la droite ligné des précédents : une description juste et claire de l'ambiance de noël en Alsace ... Et bie je ne suis pas déçu ! Parce que c'est non seulement très bien raconté, et en plus je constate que tu sais tourner à la dérision tes propres mésaventures ... Je retiendrais deux choses : c'est toi qui tenais la carte ... et la très juste comparaison avec cette fleur dans son jardin.<br /> Au fait la diligence met a priori 8h40... sans compter le ravitaillement. Elle n'aurait cependant pas eu le mérite de te faire écrire un article aussi drôle.
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L
<br /> Eh oui, il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre ! Cinq ans après, on m'en reparle encore et évidemment personne me loupe ! C'est que... il y a un embranchement pas comode vers Besançon...<br /> "Les gens qui ne rient jamais ne sont pas des gens sérieux." (Alphonse Allais)<br /> <br /> <br />
F
Félicitations à toi et à ton ami, Loulou pour avoir su créer une histoire aussi cocasse !
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B
MUAHAHAHHA !!!<br /> Je la connais par coeur cette histoire mais je m'en lasse pas !! Très bien racontée en plus bravo Loulou !
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